Coucou ma fleur,
Cela fait très longtemps que je ne t’ai pas proposé du contenu et je m’en excuse profondément.
Avec un peu de retard, je commence par te souhaiter une très belle année 2020 remplie de belles choses, de bonheur.
En cette nouvelle année, je vais essayer de suivre rythme un peu plus cadencé qu’en 2019 : je vais essayer de poster sur mon blog au minimum une fois par mois. Certains mois, en fonction du déroulement des événements, peut-être y aura-t-il plusieurs publications. Je n’en sais encore rien mais je vais faire tout mon possible :))
Bref, ce mois-ci, février 2020, je te propose une interview. C’est ce que je préfère !
Comme à chaque fois, c’est une femme que je vais te présenter. C’est une femme forte, brillante, touchante et humble. Cette femme, plus que démente, c’est Charlotte Husson.
Styliste de formation, elle a créé sa marque de vêtements engagée en 2015 qui s’appelle Mister K suite à sa victoire contre un cancer de l’ovaire. Elle a également écrit un livre sur son combat intitulé “L’impossible est mon espoir”.
Elle m’a très gentiment accordé cette interview afin que je puisse te la présenter.
Je te laisse avec la suite.
Je t’embrasse très fort,
Kat.
K : En 2013, vous avez été diagnostiquée avec un cancer des ovaires et deux ans de traitements plus tard, vous êtes en rémission. Vous êtes retournée travailler là où vous travailliez avant. Au fil du temps, l’idée d’ouvrir un blog émerge dans votre esprit. Quel était votre but principal en créant ce blog ?
Charlotte : C’est très paradoxal, mais après une telle épreuve , quand on apprend être en rémission, on ne saute pas de joie comme lorsqu’on lit sur la feuille du bac affichée : « reçue avec mention » ! Cependant on veut tout, ici et maintenant, trop vite . C’est un peu vouloir exiger le remboursement immédiat d’une dette de vie . Toutefois, sortir des décombres d’un tremblement de terre n’est pas facile . Il faut accepter la patience, la réinsertion lente , l’abnégation et toutes ces choses qui forgent la résilience . Pour toutes ces raisons, la création de mon blog fut à la fois très instinctive et spontanée et en même temps tournée vers la quête de sens . Impossible d’imaginer sortir de l’épreuve comme une fleur, il me fallait aider, témoigner, transmettre et recréer du lien tout en me reconstruisant.
Votre blog connaît un grand succès rapidement et vous recevez, chaque jour, des témoignages de femmes malades et des demandes de conseils de beauté et de bien-être. De fil en aiguilles, vous imaginez des boxs avec un baume, un vernis, une crème pour faire du bien à ces femmes pendant leur combat. Des appels aux les marques qui vous avaient aidées pendant votre combat et un crowdfunding plus tard, les boxs sont lancées. Pourquoi avez-vous pensé aux boxs ?
Pendant les traitements et sur un lit d’hôpital, tout le personnel soignant a beau être bienveillant, compétent et plein d’humanité comme dans mon cas, cela reste une terrible épreuve physique et morale, avec ses routines, ses odeurs médicales et ses plateaux repas rebutants. Alors quand les copines venaient me voir avec la lunch box d’un bon traiteur ou un petit sac rempli de livres et de magazines ou bien encore un petit cadeau de rien du tout, c’était jour de fête . Ouvrir une boîte mystère , fouiller dans un sac, c’est autre chose de plus palpable et palpitant que d’ouvrir une appli ou faire voler en éclat les bonbons virtuels de Candy Crush, comme je le faisais le reste du temps . Je m’en suis souvenu après l’épreuve, une Box c’est un écrin qu’on attend, qui se voit et qui se touche, utile et futile, plein de vie quoi ! Pour le remplir ? facile, il suffisait de dresser la liste des produits ou des trucs de grand mères qui m’ont fait du bien en sauvegardant ma coquetterie et ma dignité. Tous les magnifiques partenaires qui ont accompagné mon projet ont adhéré spontanément.
Après un temps, vous avez commencé votre ligne de vêtements “Mister K” tout en gardant les boxs. Puis petit à petit, vous avez délaissé les boxs pour vous concentrer pleinement sur Mister K. Est-ce que dans quelques temps, quelques années, vous envisageriez de relancer les boxs ? Pour quelles raisons ?
Je n’ai pas délaissé les Box, je les ai transformées en autre chose .
Ma maladie fut une parenthèse ouverte brutalement dans ma vie. Les Fighting Kits correspondaient à cette parenthèse, ouverte sans l’avoir voulue . Toute parenthèse doit être refermée au milieu d’un chapitre, sinon l’histoire serait boiteuse. J’ai tellement voulu que la vie gagne la partie que je n’avais plus la force de repenser à l’épreuve chaque jour nouveau qui m’était offert . Mais pas question d’oubli ou d’ingratitude. J’ai fait don de toute mon activité box et stock de produits à la Clinique Saint Jean de Dieu et aujourd’hui nous reversons 5% de nos ventes à l’Institut Gustave Roussy.
Alors prenez le mantra de ma marque : «faire du beau, faire le bien, le faire bien ». Il encapsule toute mes convictions, pour commencer avec les Box, puis avec mes collections de vêtements, désormais. Une trace ininterrompue , somme toute.
Parlons maintenant de Mister K. Vous êtes styliste de formation. Est-ce que cela a été une évidence pour vous de créer votre propre marque de vêtements ? Etait-ce un rêve d’enfant ?
Oui, un rêve d’enfant, entretenu par une grand-mère anticonformiste qui habitait seule au centre de la France. Elle portait des chemisiers bariolés et des pantalons pattes d’eph . Chez elle, les devoirs de vacances se résumaient à dessin et couture, tous les jours ou presque . Plus tard, lorsque je suis entrée au Studio Berçot, la ruche de toute une génération de stylistes et créateurs, je suis tombée en admiration devant Madame Marie Rucki, sa Directrice si charismatique . Elle me rappelait ma grand-mère un peu fantasque . Ma voie était tracée depuis bien longtemps. Je voulais créer une marque singulière de vêtements , pas une énième marque de fringue girly, mais une marque engagée.
Mister K est une marque engagée et solidaire. C’était important pour vous que la marque que vous alliez créer soit engagée ?
Je n’ai rien calculé. Je suis ainsi faite que je ne peux pas restée bras ballants face à un problème ou une injustice . Et en plus, c’est ma moitié américaine qui refait surface, je ne supporte pas la culture de la lamentation permanente sur le mode «c’était mieux avant » ou «tout va mal » ou bien encore «c’est la faute des autres »… il y a tant à faire pour transformer la réalité, transformer la médiocrité en micro bonheurs et autant de raisons de voir le verre à moitié plein et surtout plein de sens .
Notre marque n’est que le reflet de ce que je suis et ce que nous sommes avec Astrid, mon associée, et toute l’équipe. Nous regardons la Fashion Week comme un théâtre flamboyant et ses enjeux commerciaux sont considérables , mais notre engagement se situe ailleurs . Nous ambitionnons de faire vibrer à l’unisson l’émotion esthétique et l’effet utile et citoyen dans chacune de nos actions, de la table à dessin jusqu’à la production de nos collections. Zéro gâchis, respect du facteur humain à chaque maillon de la chaîne de production et du management, transparence et sincérité. Rien de vertueux somme toute, puisque je crois bien que nous ne saurions pas faire autrement !
Et puis notre indicateur de performance est limpide – 5% de nos ventes vont à la recherche contre la maladie – plus nous «cartonnons » plus nous reversons.
Mister K, c’est parti d’un bracelet avec votre mantra “Never give up” inscrit dessus. Progressivement, c’est devenu un vestiaire engagé. Qu’est-ce qui vous a poussé à étendre Mister K à une collection de vêtements en plus des bracelets ?
Mister K et ma première collection étaient en germe et mes cartons à dessin déjà bien remplis, lorsque je diffusais en parallèle mes premiers bracelets gravés du mantra «Never give up » . J’ai commencé par les offrir, comme un présent symbolique, à celles et ceux qui avaient contribué à ma campagne de crowdfunding qui avait formidablement bien marché. Dès le lendemain, je fus très émue de voir circuler sur Insta des posts de poignets inconnus portant mon bracelet. J’y ai vu un signe du destin. L’irrationnel et la superstition ne sont jamais très loin dans mes prises de décision ! Bref, l’idée de lancer Mister K intimement lié à des mantras symboliques et fédérateurs venait de naître . Cependant, un peu comme l’histoire de la poule et de l’oeuf, on se perd en se demandant qui de la poule ou de l’oeuf a du commencer pour engendrer l’autre …
Vous avez récemment ouvert votre showroom à Paris. Que ressentez-vous quand des clients qui vous suivent sur les réseaux sociaux prennent rendez-vous afin d’essayer vos pièces ?
Beaucoup de fierté et de bonheur .
Les spécialistes et les financiers nous classent dans la catégorie flatteuse des DNVB (« Digital Native Vertical Brands ») autrement dit des marques nouvelles dont le potentiel de traction et de développement vient de la vente en ligne . Ne boudons pas notre satisfaction, 70 % de notre chiffre d’affaires est engendré par Instagram et FB. Pourtant nous sommes un peu frustrées de ne pas voir la réaction de nos clientes quand elles ouvrent leur paquet . Alors le show room que nous venons d’ouvrir est précisément destiné à multiplier ces moments de connivence avec nos clientes . C’est indispensable . Du reste plus qu’un show room, l’endroit devient tea room, boudoir, lieu de vie et de récréation – j’ai failli dire re-création , c’est pareil, tout est lié –
Quelles qualités faut-il avoir pour pouvoir chaque saison développer une collection de vêtements ?
Si la détermination est une qualité, alors oui, nous possédons au moins celle-là. Vous savez, il y sûrement un peu du Mythe de Sisyphe qui sommeille en chaque entrepreneur . A intervalles réguliers nous savons qu’il va falloir pousser notre caillasse jusqu’au sommet, encore et encore … et je crois bien que nous aimons cela .
Mais votre question évoque aussi une chose beaucoup plus mystérieuse : l’inspiration .
Je ne sais pas s’il s’agit de qualités mais sûrement de traits de caractères qui ouvrent les portes de l’inspiration . Écoute, sens de l’autre, sensibilité, curiosité, disponibilité, goût du risque, adrénaline, oser … voilà le carburant qui remplit le réservoir à inspiration . Il arrive que le réservoir ne soit pas toujours plein, c’est la vie, mais pas une raison suffisante pour laisser tomber – Never give up ! – de toutes les façons, le plus puissant des carburants est la reconnaissance de nos clientes et leurs regards bienveillants.
Vous avez également publié un livre intitulé “L’impossible est mon espoir” dans lequel vous racontez votre parcours. Un passage par l’écriture, vous a-t-il semblé nécessaire après votre victoire ? Qu’est-ce qui vous a poussé à l’écrire ?
Ouh là là ! Quelle victoire ? On ne doit jamais crier victoire après une telle épreuve . On doit rester lucide, sur ses gardes et avancer sans cesse .
Franchement, écrire un livre ne faisait pas partie du parcours. Il y a un gouffre entre faire vivre un blog et se livrer à l’écriture d’un récit personnel . Trop impudique et surtout consommateur de temps . J’ai pas mal résisté avant de céder à mes éditrices de Marabout, plus enthousiastes que moi . Et puis je me suis prise au jeu comme pour relever un nouveau défi . Nous nous sommes entendues sur l’angle d’écriture auquel je tenais par-dessus tout : pas de pathos, pas de «vivisection » de la maladie, mais que du rebond et de l’énergie … ce fut une belle expérience. C’est aujourd’hui un marqueur dont je suis fière sur le chemin de mon entreprise et du développement de ma marque.
Vous vous définissez comme une tarte tatin. Le fruit d’une erreur qui s’est transformé en coup de bol. Pourriez-vous expliquer brièvement à mes lectrices/lecteurs ce que cela veut dire d’être une tarte tatin ?
L’histoire est riche d’innovations et de grandes découvertes qui sont le fruit d’un accident ou bien d’un heureux hasard . Par exemple, Christophe Colombe crut partir pour les Indes mais, erreur de navigation, découvrit l’Amerique . Les Japonais jugent que la perle n’est jamais qu’une maladie de l’huitre ! Autre exemple, moins s.v.t mais plus culinaire, la tarte Tatin . Ce fut au départ un ratage – les pommes enfournées sans la pâte – transformé en miracle pâtissier dès l’instant où les sœurs Tatin improvisèrent en nappant de pâte les pommes déjà caramélisées. Ainsi naquit un dessert sans dessus dessous délicieux.
Le processus de transformation, à l’arrache comme on dit aujourd’hui, d’une action mal embarquée en innovation miraculeuse, porte un nom spécifique . Le phénomène se nomme sérendipité.
Voilà, j’ai moi-même connu un intense moment de sérendipité. Après la maladie j’aurais pu me laisser flotter, mais je l’ai refusé de toutes mes forces . La maladie a au contraire boosté la création de mon entreprise . Sans la maladie j’aurais probablement créé ma marque, mais de façon méthodique et réfléchie , sans urgence vitale ni singularité … une simple tarte aux pommes conventionnelle quoi ! je n’ai pas eu d’autre choix que de faire une tarte Tatin.
Vous avez récemment émi sur Instagram une idée de créer votre podcast. Vous en écoutez d’ailleurs énormément vous-même. Pourquoi l’envie de créer le vôtre ?
Mes quelques modestes passages à la télé m’ont toujours laissé un goût d’inachevé. J’y ai fait de belles rencontres, mais de façon générale je ne suis pas à l’aise avec l’idée que mes convictions soient à la merci d’une image superficielle ou d’une impression à l’emporte-pièce . En revanche, une conversation intimiste entre deux voix, qui s’expriment avec lenteur, sans recherche d’effet ni posture théâtrale, cela me plaît et me convient davantage . Je suis convaincue que le podcast est une belle façon de toucher au cœur celles et ceux qui nous suivent, de façon plus profonde.
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite créer sa start-up ?
Oser et bien s’entourer. Aucune fulgurance, aucune idée géniale, n’a de chance de se transformer en entreprise, sans être au préalable analysée et testée par un noyau d’experts en finances, marketing et juridique, en particulier . La suite de l’histoire s’écrira grâce à la détermination, la vigilance et la confiance.
Avez-vous des rêves que vous aimeriez réaliser en 2020 ? Si oui, quels sont-ils ?
Je rêve que Mister K grandisse et devienne profitable , pour toute l’équipe et moi ; je rêve que cette équipe se renforce avec de toujours aussi belles personnes ; je rêve que nos convictions touchent de plus en plus de monde ; je rêve que l’inspiration me guide vers des collections qui plaisent ; je rêve au succès de mon podcast et de vendre encore plus mon livre .
Dans mon bouquin je cite Paul Valéry « la meilleure façon de réaliser ses rêves est de se réveiller » … en 2020, je vais dormir suffisamment et beaucoup me réveiller.
Quels sont les trois mots qui vous décrivent le mieux ?
1) loyale – parce transparente, il m’est impossible de mentir – l’inverse marche tout aussi bien: transparente donc loyale .
2) rêveuse – parce que je suis affublée d’une particularité : je suis HSP (Highly Sensitive Person), dotée d’une timidité handicapante, désordonnée, créative, guidée par l’instinct et l’obsession de justice
3) déterminée – jusqu’à l’entêtement parfois, mais j’ai fait quelques progrès en souplesse ! –
Merci beaucoup Charlotte !!
Ma fleur, si tu as kiffé cette interview, tu peux la partager avec ton entourage sur les réseaux sociaux. Tu peux également m’envoyer un petit message ou bien me laisser un commentaire sur Instagram (@from.katrina).
Je te conseille aussi d’aller suivre Charlotte sur Instagram (@charlotte_husson) et Mister K (@misterk).
Je te conseille aussi d’aller faire un petit tour dans son vestiaire engagé (https://misterk.fr/collection/). Je rappelle que 5% sont reversés toute l’année à la recherche contre tous les Cancers à l’hôpital Gustave Roussy. Tu peux également prendre rendez-vous et aller à Paris au 5 Rue de Charonne dans le 11e arrondissement afin d’essayer les pièces avant de les acheter.
Je te fais d’énormes bisous et je te dis à très vite,
Kat.
-ITW 1 février 2020